Le médium vénitien Atelier des Fontaines |
Dans son ouvrage bien connu : "The Secret Formulas and Techniques of the Masters", Jacques Maroger, inlassable chercheur du médium de Rubens, traite aussi de celui qui aurait été utilisé antérieurement par les Maîtres vénitiens tels Giorgone, Titien ou Tintoret, et dont Rubens se serait partiellement inspiré pour créer le sien. De ce produit, qu'il nomme "Médium italien" et que ses collaborateurs, entre autres Marc Havel, appelleront "Vénitien", il propose une reconstitution sous forme d'une huile cuite et de cire d'abeille. Les recherches récentes sur le sujet, en particulier celles entreprises par la National Gallery de Londres, et publiées dans ses Bulletins techniques, ne semblent pas confirmer ses hypothèses quant à la présence de cire dans les œuvres des peintres des XVIème et XVIIème siècles. On la retrouverait, par contre, dans celles des Anglais de la fin du XVIIIème et du début du XIXème siècle, tels Reynolds, Raeburn ou Turner.
Ceci étant, que ce médium, ou un produit approchant, ait été ou non celui des peintres italiens, flamands ou anglais, il demeure que la cire est un des matériaux picturaux parmi les plus durables qui soient. En effet, elle est très peu réactive du point de vue chimique. Elle ne s'oxyde pas, ne se modifie que fort peu avec le temps et présente une très bonne résistance à la lumière. A preuve, par exemple, l'excellent état de conservation des portraits du Fayoum, datés entre les Ier et IVème siècles de notre ère, et seuls spécimens de peinture de chevalet que l'Antiquité nous ait légués.
Par ailleurs, la présence de cire dans un médium à l'huile confère aux pâtes avec lesquelles on le mêle un toucher très particulier. La cire bloque la touche, offrant aux pâtes une consistance dite butyreuse, c'est-à-dire proche de celle du beurre, à la fois ferme et onctueuse. La touche garde les stries de la brosse, mais de manière souple et arrondie. Les modelés sont extrêmement faciles à obtenir, car la brosse court aisément sur le support du fait de la présence de l'huile cuite. Mais, stabilisée par la cire, la pâte garde une consistance à la fois ferme et courte qui en rend possible une parfaite maîtrise. Le peintre la conduit ainsi là où il le souhaite. Et que le médium soit employé pur ou dilué, les pâtes ne coulent, ni ne collent. Même sur un support de grande taille, le travail peut être repris à tout moment durant une même séance de peinture.
A savoir aussi que la cire communique à l'huile une certaine opalescence qui favorise plutôt "le peindre clair". Il est possible, bien évidemment, de poser des tons sombres au médium vénitien, mais leur profondeur se sera jamais celle d'une couleur travaillée, par exemple, avec un produit du type médium flamand, à l'huile cuite et à la résine mastic. De même, passer des glacis avec un médium à la cire est possible, mais, même riches en liant et posés de manière mince, ils présenteront toujours une très légère translucidité plutôt qu'une réelle transparence. En ce sens, le médium vénitien convient particulièrement aux œuvres de taille moyenne ou plus importante, à la facture fougueuse, aux sonorités riches mais discrètes, et exécutées en pâtes et demi-pâtes plutôt qu'en jus et glacis.
D'autre part, du fait d'une légère granulosité très caractéristique, perceptible même à l'œil nu, et qui fait aussi son charme, la cire communique au film peint un rendu satiné, plutôt que brillant, qui met particulièrement en valeur les œuvres de grande taille, car elle évite les reflets qui rendent souvent illisibles les travaux de ce type.
Ce rôle joué par la cire est bien connu. C'est pourquoi on la retrouve dans un certain nombre de vernis dit "à mater". Xavier de Langlais relève pourtant qu'employée dans la pâte picturale, si son rôle matant est bien efficace, elle lui communique aussi, parallèlement, une certaine lourdeur très caractéristique ; défaut qui, selon cet auteur, peut être corrigé si l'on y ajoute en même temps une petite dose de résine. Naturellement plus onctueuse et brillante que l'huile crue, particulièrement après préparation à haute température, l'huile cuite servant de base au médium vénitien joue très exactement le même rôle. En conséquence, l'introduction de cire dans la pâte picturale par l'intermédiaire d'un médium vénitien ne lui communique aucune lourdeur. Le film présente un satiné léger, très doux visuellement.
Enfin, une fois la séance de peinture achevée, suivant la température du local, sa luminosité, la nature plus ou moins absorbante du support et, bien entendu, les pigments et les huiles employées pour leur broyage, le séchage des pâtes additionnées de médium vénitien sera effectif en quelques jours, activé en cela par les oxydes métalliques utilisés durant la cuisson de l'huile.
Le médium gras à la manière vénitienne Atelier des Fontaines : un médium directement inspiré de celui proposé par Jacques Maroger, avec quelques plus !
Comme nous l'annoncions il y quelque temps, l'Atelier des Fontaines propose maintenant son médium gras à la manière vénitienne, une version directement inspirée du médium italien de Maroger. Comme lui, il propose une recette à base d'huile cuite et de cire. Cependant, malgré toutes ses qualités (voir plus haut), le défaut connu de ce médium, monté en épingle par quelques critiques, réside dans le fait que la cire d'abeille, du fait de son point de fusion relativement bas, peut communiquer une certaine mollesse aux pâtes dans lesquelles on l'a introduite, même peintes de longue date. Sans exagérer cet inconvénient, ce reproche nous semble fondé et peut s'avérer gênant, par exemple pour une œuvre emballée, ou exposée dans un lieu surchauffé. Nous avons donc choisi de composer notre nouvelle version du médium vénitien à partir d'un mélange de cire d'abeille, mais aussi de cire de carnauba. Cette dernière ne fond, en effet, qu'à une température supérieure à 83°C, alors qu'une cire d'abeille fond vers 63°C et se ramollit dès 35°C, température vite atteinte, notamment sous les feux d'un projecteur. Par ailleurs, elle est aussi la plus dure des cires naturelles : elle se raye difficilement à l'ongle. Malgré sa légère coloration jaune, employée en quantité raisonnable, elle permet donc d'équilibrer la faible dureté de la cire d'abeille.
Par ailleurs, comme pour les différentes versions de nos médiums gras à la manière flamande et de notre médium Maroger à la résine mastic, le médium gras à la manière vénitienne Atelier des Fontaines est composé à partir d'une huile préalablement cuite à haute température, donc légèrement polymérisée. Ce traitement communique à l'huile souplesse, stabilité et durabilité. Il minimise son futur jaunissement et améliore son brillant et sa siccativité.
Autre caractéristique essentielle : la cire présente dans le médium vénitien Atelier des Fontaines associée précisément à l'utilisation d'une huile partiellement polymérisée, du fait de sa composition présentant des chaînes moléculaires de taille importante, bloque l'huile de broyage des couleurs, si bien que celle-ci ne peut migrer dans les couches inférieures de la peinture. On évite ainsi à la fois les embus et la baisse des tons au vieillissement, phénomènes quasi constants dans les œuvres peintes uniquement à l'huile crue, en particulier à partir de l'Impressionnisme et durant la première moitié du XXème siècle.
De plus, comme nous l'expliquions plus haut, la présence d'une huile cuite à haute température dans le médium vénitien Atelier des Fontaines contribue aussi à équilibrer la matité que la cire communique à la pâte.
Une seconde cuisson à basse température en présence de différents oxydes métalliques finalise le produit, accroissant encore sa siccativité.
Le peintre est donc en présence d'un médium riche, souple, de bonne siccativité et extrêmement polyvalent : du plus souple au plus ferme, suivant la manière de le travailler.
Et toujours la proposition d'une émulsion associée.
Plus que jamais, en effet, nous sommes persuadé que l'association des liants aqueux et oléorésineux est à la base des plus belles réalisations présentes dans nos musées. Les œuvres de Rembrandt ne seraient pas ce qu'elles sont sans la présence d'une émulsion, qu'elle soit à l'œuf ou à la colle de peau. Cette présence est, pour nous, une évidence, entre autres dans ses généreux empâtements. Comment, en effet, imaginer un tempérament tel que le sien obligé d'attendre de longues semaines avant de reprendre en glacis sur un morceau préalablement exécuté en épaisseur ? Seule une émulsion répond à cette rapidité et à d'exécution et à cette générosité de la touche.
L'émulsion vénitienne Atelier des Fontaines |
Plus que jamais, en effet, nous sommes persuadé que l'association des liants aqueux et oléorésineux est à la base des plus belles réalisations présentes dans nos musées. Les œuvres de Rembrandt ne seraient pas ce qu'elles sont sans la présence d'une émulsion, qu'elle soit à l'œuf ou à la colle de peau. Cette présence est, pour nous, une évidence, entre autres dans ses généreux empâtements. Comment, en effet, imaginer un tempérament tel que le sien obligé d'attendre de longues semaines avant de reprendre en glacis sur un morceau préalablement exécuté en épaisseur ? Seule une émulsion répond à cette rapidité et à d'exécution et à cette générosité de la touche.
C'est pourquoi, fidèle à notre passion pour la technique mixte, parallèlement à la mise au point du médium gras à la manière vénitienne, nous en proposons une version émulsionnée composée à partir de notre habituel liant aqueux stabilisé. Celui-ci accroît encore l'épaisseur du médium, offrant ainsi une pâte dense, mais aérée. Les empâtements obtenus peuvent être encore plus généreux. Ils sèchent vite et sans aucun risque de craquelures. Et, toujours du fait de la présence d'eau incluse, l'émulsion accroît encore la sensation picturale de pâte courte et de consistance beurrée. L'aspect obtenu avec une telle émulsion rappelle la générosité et la fougue des grandes exécutions vénitiennes d'un peintre tel que Tintoret.
Le mélange entre les médiums gras flamands et médium Maroger Atelier des Fontaines, à base de résine mastic, et le médium gras vénitien à la cire.
Une question nous a déjà été posée par quelques internautes : l'exécution mêlant les médiums gras flamands et médium Maroger, à base de résine mastic, et le médium gras vénitien à la cire est-elle possible ? Par exemple, serait-il possible de travailler des pâtes et demi-pâtes, de poser des empâtements au médium vénitien, en profitant de son onctuosité et de sa générosité, puis de lui superposer des glacis transparents avec un médium flamand, pour exalter la profondeur et la sonorité des pâtes précédemment posées ?
Notre réponse sera nuancée. En effet, superposer une pâte naturellement souple sur un dessous plus dur, plus rigide, est à la base de la structuration raisonnée d'un film pictural. C'est le principe même utilisé quand on pose une peinture à l'huile sur un enduit maigre à l'eau, du type colle de peau.
De manière analogue, superposer une pâte souple, à la cire, sur une pâte plus rigide, à la résine, ne posera aucun problème. C'est ainsi que l'on peut parfaitement travailler préalablement les ombres transparentes avec un médium flamand, puis reprendre les lumières avec un vénitien. Cela va même dans le sens de la construction logique d'une œuvre en clair-obscur. A l'inverse, vouloir glacer avec un médium à la résine des lumières empâtées préalablement avec un médium à la cire, à la manière par exemple de Rembrandt, est, a priori, déconseillé. La pellicule dure, superposée sur ce fond souple et plus épais, risque de se fissurer. Si donc l'on privilégie l'approche technique, et non plus strictement esthétique ou plastique, superposer un médium flamand sur un dessous au médium vénitien est plutôt à déconseiller.
Si l'on souhaite, cependant, effectuer ce type de superposition, très séduisant, nous le reconnaissons, sur le plan esthétique, nous conseillons alors, selon le principe de la technique mixte, et sur le fond de médium gras à la résine encore frais, de reprendre les lumières avec une émulsion à l'huile cuite, à la cire et au liant aqueux telle que celle proposée par l'Atelier des Fontaines. La présence du liant aqueux, moins souple que ne l'est la cire, et permettant un excellent durcissement de la pâte, minimisera les risques lors de la pose finale des glacis au médium flamand.
Une autre possibilité, très différente, concerne le mélange préalable des médiums flamand et vénitien. L'intérêt de cette association serait d'obtenir un produit plus transparent et plus tirant que le médium vénitien seul, mais de bénéficier en même temps de la consistance très particulière des pâtes additionnées de cire. L'idée n'est pas neuve. On la retrouve, par exemple, chez Mérimée, auteur d'un ouvrage technique bien connu des passionnés des techniques picturales anciennes. Nous développons cette possibilité dans le mode d'emploi spécifique que nous joignons au médium vénitien.
Ingrédients
- Huile de lin de Suède de première pression à froid
- Cire blanche d'abeille garantie pure
- Cire de carnauba blanchie
- Oxydes métalliques
- Liant naturel aqueux stabilisé
Fiche technique
Médium gras :
Huile de lin de Suède de première pression à froid
Cuisson préalable à haute température
Seconde cuisson à basse température en présence d'oxydes métalliques
Cires d'abeille et de carnauba
Cuisson préalable à haute température
Seconde cuisson à basse température en présence d'oxydes métalliques
Cires d'abeille et de carnauba
Émulsion du type eau dans l'huile :
Liant naturel stabilisé en émulsion dans le médium gras
Diluant recommandé pour le médium et l'émulsion :
Essence de térébenthine, rectifiée de préférence, mais les essences de pétrole, à évaporation lente ou rapide peuvent aussi être utilisées.
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6 commentaires:
Depuis cet été, j'attendais le médium vénitien ! Le voici enfin ! Magnifique !
Encore un peu de patience, Philippe ! Les huiles finissent de décanter et la page Internet n'est pas encore opérationnelle. Mais le Vénitien est effectivement pour très bientôt !
Christian VIBERT
Grande impatience pour moi aussi. Merci et bravo pour la précision de vos explications, et leur clarté de langue.
Bonsoir Monsieur RIVIERE,
Les produits sont prêts, de même que les contenants. Par contre, il me faut finir la rédaction et présentation des documents à joindre, en particulier du mode d'emploi. Par ailleurs, le "Work in progress 4" est en cours de mise en page. Mais tout devrait être prêt prochainement.
Autre point pratique, le médium et l'émulsion correspondante vont être présentés sous deux formes : tubes ou petits pots en verre. En effet, les tubes permettent un stockage optimal des produits qui ne sèchent pas à l'intérieur. Cependant, leur remplissage par des moyens artisanaux demande un temps non négligeable.
A l'inverse, les pots, du fait qu'ils contiennent un peu d'air, demandent à ce que ces médiums, très siccatifs par eux-mêmes, soient utilisés assez rapidement ; disons dans un laps de temps de quelques mois, surtout lorsqu'ils ont déjà été entamés. Cependant, leur remplissage est rapide.
C'est pourquoi nous avons choisi cette double présentation. Les tubes sont plutôt réservés à une utilisation occasionnelle ; les pots à une utilisation plus régulière. En contre-partie, le prix de revient des tubes est un peu plus élevé.
A bientôt donc !
Christian VIBERT
Rebonsoir Monsieur VIBERT,
Je viens d'essayer votre nouveau médium vénitien. Lors de la première ouverture du pot, j'ai effectivement été surpris par sa consistance, son épaisseur. Ma seconde surprise a été de constater que, cependant, il se fond admirablement avec les couleurs en tube. Et le résultat est à la hauteur de ce que j'espérais : un médium consistant et en même temps très onctueux, qui tient parfaitement les marques de l'outil, tout en autorisant des fondus très subtils.
Bravo pour ce tout nouveau produit, pourtant si traditionnel !
Philippe
Bonsoir Philippe,
Merci pour votre commentaire. J'y réponds tout de suite.
Vous avez parfaitement raison : le médium vénitien dont vous venez de faire l'acquisition est une version épaisse du produit originel. Comme je l'explique dans le mode d'emploi, j'ai délibérément fait ce choix, estimant qu'il est toujours plus facile de fluidifier un produit que de l'épaissir.
Il est cependant fort probable que, dans les mois à venir, comme pour le médium gras à la manière flamande, j'en propose au moins une seconde version plus crémeuse. Pour les artistes désirant un produit dès l'abord plus moelleux, elle sera sans doute un plus.
Maintenant, pour ceux qui désirent pouvoir tout autant empâter généreusement que modeler avec finesse, la version épaisse, à mon sens, est très polyvalente.
La cire est un matériau étonnant. Il y a encore beaucoup à faire pour en tirer le meilleur parti.
En attendant, je vous souhaite beaucoup de plaisir avec ce nouveau médium.
Christian VIBERT
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